Et soudain, je le reconnus

poisson

J’avais alors 5 ans et mes parents avaient négocié le dépôt de mon poisson chez notre voisin le restaurateur chinois le temps des vacances d’été. Cette idée me terrorisait.
– Mais maman, PoiPoi vit seul. Il n’a pas habitude d’être dans un si grand aquarium avec pleins d’autres poissons. Il ne supportera jamais.
– Écoutes, nous le retrouverons après les vacances. Tout va bien se passer.

Bien sûr, il n’en fût rien. A notre retour à Paris, nous apprîmes que PoiPoi n’avait pas survécu à ce séjour provisoire. J’en étais vivement affecté et je gardai envers mes parents un ressentiment qui mit plusieurs mois à s’atténuer.

30 ans plus tard, un jour où je traînais mon vague à l’âme dans les rues de la capitale je me retrouvais exactement dans le quartier de mon enfance. Je pris spontanément les chemins familiers et bientôt je fis face à notre resto asiatique. Piqué par la curiosité, je poussai la porte. Le décor avait changé mais au centre se trouvait encore ce fameux aquarium. Je m’installai à notre ancienne table. Celle où, avec mes parents, nous observions l’aquarium lorsque le dialogue entre nous s’amenuisait au point de disparaître tout à fait.

La danse des poissons avait toujours été un compagnon salvateur pour notre petite famille peu encline aux bavardages. Cette fois encore, les poissons vinrent me distraire. Soudain, je crus voir parmi eux PoiPoi. J’en fus convaincu. C’était lui. Ce retour brutal à une blessure d’enfance me bouleversa. C’était comme un pied de nez à la mort. Un véritable appel d’air. Je le pris comme tel et sortis du restaurant le cœur plus léger.

Photo : Cha Du / Texte : Tiou Tiou

Originally posted 2011-08-03 20:25:45. Republished by Blog Post Promoter